Prendre sa place par le mouvement, article d’Hervé Richoz, rédacteur Clin d’Oeil, décembre 2020 (FSA)

Prendre sa place par le mouvement, article d’Hervé Richoz, rédacteur Clin d’Oeil, décembre 2020 (FSA)

par Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil»

Une vue défaillante assombrit nos vies, en particulier pour notre autonomie, notre confiance ou notre sécurité. À Genève, un cours sur le mouvement invite hommes et femmes à se «mouvoir pour voir», se sentir bien dans leur corps et redécouvrir leur propre lumière intérieure. Un rayonnement retrouvé pour les participants qui se sentent à nouveau comme «inclus dans cette société». Cheminement avec la secrète Carole-Angèle Chappuis.

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Photo de Carole dans le journal Clin d’Oeil, décembre 2020

En mouvement

En ce jeudi pluvieux et sombre, MariePierre, Vincent, Gowri, Karin et Raya rejoignent Carole-Angèle dans le quartier des Eaux-Vives pour leur cours hebdomadaire de la FSA. Désinfectés en raison de la pandémie, les tapis sont disposés en cercle à distance légale. Les participants se mettent en mouvement dans des postures à la fois physiques et précises. Le but ici n’est pas la perfection ou la performance, mais le mouvement qui finit par trouver une forme consciente, symbolique et harmonieuse qui, de la terre au ciel, devient chorégraphie commune. Entourés d’une musique douce, comme sur un mandala qui se reflète à l’infini dans les miroirs de la salle de danse, les participants «déposent» véritablement leurs soucis du quotidien, retrouvent leur espace fonctionnel et prennent conscience de leur corps et de leur ancrage dans cette vie. C’est un des aspects du cours que l’on comprend mieux quand ensuite les tapis sont déplacés pour une activité «en ligne». Aidés de l’assistante de Carole-Angèle, se tenant côte à côte, malvoyants et aveugles avancent de manière incroyablement libre, fluide, 13 Point fort lente ou rapide aux rythmes des contretemps du folk, de la soul ou du jazz, sur des airs de Lisa Ekdahl, Louis Armstrong ou Ray Charles. La respiration s’accélère, les muscles se font sentir, mais c’est déjà la fin du cours, laissant les participants pleins d’énergie, de joie et de vitalité, qui confient mieux habiter leur corps et leur espace. Ils peuvent le vérifier quand ils se déplacent: «Depuis que je suis ce cours, je me fais moins percuter dans la rue» ou «Je suis désormais plus confiant quand je dois parler en public» ou encore «Je perçois mieux mon environnement et ses barrières architecturales.»

Quid de l’inspiratrice de ce cours?

Carole-Angèle Chappuis, vous la connaissez depuis la Journée de la canne blanche 2017 sur la Place fédérale à Berne avec la section genevoise de la FSA. Peu de gens savent que c’est elle la véritable créatrice de cette émouvante chorégraphie, de ce ballet de cannes blanches en quatre tableaux qui racontait notre vécu jusqu’à utiliser ou montrer notre canne blanche. Elle confesse: «L’âme de cette danse, c’est notre histoire, celle de la survenue du handicap visuel.» À 18 ans, elle apprend brutalement le diagnostic de la maladie de Stargardt qui l’affecte et qu’elle dissimulera avec soin pendant très longtemps. La danse pour Carole-Angèle Chappuis, c’est surtout dès 2009 ce qui lui a permis de ne pas sombrer dans le désespoir alors que tout s’effondrait violemment autour d’elle. Pour rester en vie, isolée, elle n’a alors de cesse de fuir dans la danse, de se former, cherchant la perfection du mouvement, la puissance du récit par delà la douleur, la rigueur, la souffrance liée à cet art. C’est ce qui lui a permis de rester «présente», de «tenir le coup» et de faire de belles rencontres, comme avec le chorégraphe Étienne Frey ou le sculpteur Jean-Marie Borgeaud. Si elle observe que son corps en mouvement exprime magnifiquement ses émotions, ses élans, elle réalise qu’elle ne l’habite pas vraiment et qu’elle a besoin de ce corps pour être de ce monde dans son quotidien. Elle se rappelle alors cette petite fille qui dansait «comme les majorettes» devant la télé, mais aussi le hasard qui l’avait fait approcher des .danseurs contemporains qui exploraient les danses d’esclaves ou des danses sacrées et rituelles de tribus. Elle prend la mesure des différentes dimensions de la vision, ce qui l’amène à créer l’association AYIN, qui vise à accompagner par la mise en mouvement toute personne en situation de handicap sur divers chemins d’expressions comme le corps ou la sculpture «afin de contribuer à l’évolution de son être dans sa globalité, sur les plans physique et spirituel.»

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Photo du cours d’AYIN animé par Carole, Journal Clin d’Oeil, décembre 2020

Animatrice malvoyante, Carole Angèle Chappuis (à droite) invite les participants à s’ouvrir à leur être intérieur.

Stage de danse et stage de sculpture d’argile à Genève, août 2021

Stage de danse et stage de sculpture d’argile à Genève, août 2021

Pendant la pause estivale, l’association AYIN a le plaisir de proposer deux stages, à Genève, durant la semaine du 9 au 13 août 2021.

Stage de danse

Rejoignez le mouvement lors d’un stage de danse et expression corporelle, quatre après-midi et un matin, deux heures durant.

Consultez le programme

Stage de sculpture d’argile intuitive

Exprimez votre créativité pendant une semaine de cours de sculpture d’argile, durant quatre matinées de trois heures, dans la campagne genevoise. Vous aurez la possibilité de vous exprimer à travers le travail de l’argile

Consultez le programme

Etre autrement

Etre autrement

Durant cette période de transition, je souhaite que vous puissiez avoir un autre regard sur la vie, si précieuse et si belle, au-delà du visible, au-delà des ombres, des peurs, des pleurs. Je souhaite que vous puissiez nourrir la joie de l’enfant qui s’émerveille des beautés de ce monde.

Je me réjouis de vous sentir bientôt dans les ateliers d’Ayin pour de nouvelles créations et la joie de danser et rire ensemble.

Carole Angele

Le fabuleux poème de Kathleen O ‘ Meara, née le 1839 à Dublin, Irlande, et décédée le 10 novembre 1888, Paris, France, me semble approprié à cette période singulière :

« Et les gens sont restés à la maison
Et ils ont lu des livres et écouté.
Et ils se sont reposés et se sont entraînés
Et ils ont fait de l’art et ont joué
Et ils ont appris de nouvelles façons d’être.
Et ils se sont arrêtés.
Et ils écoutent profondément
Quelqu’un a médité
Quelqu’un a prié
Quelqu’un a dansé
Quelqu’un a connu son ombre
Et les gens ont commencé à penser différemment.
Et les gens ont guéri
Et en l’absence de gens qui vivaient de manière ignorante,
Dangereux, inutile et sans cœur,
Même la Terre a commencé à guérir.
Et quand le danger est terminé.
Et les gens se sont rencontrés.
Ils sont désolés pour les morts.
Et ils ont fait de nouveaux choix.
Et ils rêvent de nouvelles visions.
Et ils ont créé de nouveaux modes de vie.
Et ils ont complètement guéri la Terre. »

Kathleen O ‘ Meara (1839-1888)

La Maison du Bonheur (article de presse)

La Maison du Bonheur (article de presse)

Une maison pour le bonheur des aveugles

qui propose des activités pour personnes malvoyantes à Genève.

L’association fondée par Gowri Sundaram a fini par retrouver un local pour assurer la poursuite de ses activités. Image: Enrico Gastaldello. Par Caroline Zumbach Valérie Geneux

« Elle s’appelle la Maison du Bonheur. Cette association unique à Genève a inauguré ses nouveaux locaux à la rue de Lyon avec une mission: proposer un espace d’accueil et d’activités permanent destiné aux aveugles et malvoyants.

À la base de ce projet se trouve Gowri Sundaram. Ce journaliste d’origine indienne a créé ce centre en 2013. «Je voulais faire quelque chose pour montrer ma gratitude envers tous les bénévoles et associations qui m’ont aidé lorsque j’ai perdu la vue», glisse-t-il. Handicapé depuis ses 55ans en raison d’une maladie nommée rétinite pigmentaire, il se retrouve totalement démuni lorsque sa femme décède d’un cancer en 2008.

«Petit à petit, j’ai découvert les activités de la Fédération suisse des aveugles (FSA) et de l’Association pour le bien des aveugles et malvoyants (ABA), explique Gowri Sundaram. Grâce à eux j’ai commencé à suivre des ateliers, appris à manier la canne blanche et retrouvé une certaine autonomie. Ils m’ont même donné les moyens de faire du vélo, de la course et du parapente, des sports que je n’aurais jamais pensé pouvoir faire.»

À la recherche d’un nouveau lieu

En 2013, il propose de mettre à disposition des handicapés visuels les bureaux de sa société d’édition. Rapidement, cette bâtisse située le long de l’avenue Louis-Casaï accueille de nombreux ateliers et trouve son public. Elle est surnommée la Maison du Bonheur et vit grâce à la contribution de son fondateur, de la FSA, de l’ABA et de l’association AYIN-Au delà du visible.

L’année dernière, l’édifice a été rasé pour laisser la place à un projet immobilier. Gowri Sundaram commence alors une quête de plusieurs mois afin de trouver un nouvel espace permettant de pérenniser l’institution. «Il fallait trouver un lieu accessible avec les transports publics, au rez-de-chaussée, avec des trottoirs sans trop d’obstacles, pas d’escaliers ni d’ascenseur», indique-t-il.

Ateliers et espace de rencontre

C’est finalement à la rue de Lyon que l’association pose ses valises. Deux salles sont à disposition. Une pour l’atelier d’arts créatifs et l’autre, plus grande, pour les autres cours et les concerts. Des ateliers de chant intuitif, des cours d’informatique, de tango, de yoga, de sculpture sur argile, ou encore des formations pour apprendre à se mouvoir dans le noir y sont organisés régulièrement.

Les membres semblent ravis du déménagement. «Ici on se sent bien, l’ambiance est très agréable et on n’a pas le temps de s’ennuyer», déclare Jeanine, une habituée des lieux. Pour Carole Angèle Chappuis, fondatrice de l’association AYIN-Au delà du visible et responsable de la gestion des activités de la Maison du Bonheur, ce lieu est particulier. «Gowri a souhaité que ce soit une plateforme où toutes les activités destinées aux aveugles issues de différentes associations puissent interagir. Et ça fonctionne.»

Afin de favoriser le lien social et les discussions, un espace de partage avec une petite kitchenette est en cours d’aménagement. «Le côté social est important car cela nous permet de partager nos histoires et notre quotidien avec humour. Ça enlève la déprime, glisse l’initiateur de ce projet, avant d’ajouter: quand on entre dans la Maison du Bonheur, on laisse le handicap dehors.»

Informations: La Maison du Bonheur, 12 rue de Lyon. Mail: lamdb2020@gmail.com

Créé: 26.02.2020, 07h22″

La Maison du Bonheur 2

La Maison du Bonheur 2

LA MAISON DU BONHEUR ‘NOUVELLE’

Pourquoi la Maison du Bonheur ? (Texte de Gowri Sundaram, créateur et président de la Maison du Bonheur, à Genève)

« En 2008 avec le décès soudain de mon épouse je me suis retrouvé seul et soi-disant dans le noir, car elle était pour moi mes yeux et mon bras droit. Après quelques mois dans Le vide, j’ai décidé que je devrais retrouver une mobilité et une certaine indépendance. Alors j’ai pris un énorme pas psychologique d’accepter la canne blanche, car par cela on accepte qu’on est vraiment aveugle et qu’on le montre à tout le monde. C’est dès lors que l’ABA, l’Association pour le Bien des Aveugles et malvoyants, est venue à ma rescousse et ces ergothérapeutes m’ont pris en main. Grâce à eux j’ai appris le maniement de la canne blanche. Celle-ci reste à mes yeux la plus importante invention pour nous les aveugles et malvoyants, car tous les gadgets ‘hi-tech’, tels les GPS etc., ne peuvent pas nous prévenir qu’il y a un trou ou un trottoir devant nous! Six mois plus tard j’ai pu aussi devenir le détenteur d’un chien guide.

L’ABA m’a aussi mis en contact avec la FSA (Fédération Suisse d’Aveugles et malvoyants) et la SRIHV (Service Romand d’Informatique pour les Handicapés de la Vue).

On a ainsi littéralement ouvert mes yeux à tout ce monde professionnel et bénévoles qui sont là pour nous aider et soutenir dans notre vie quotidienne. Il nous est mis aussi à disposition une multitude de cours, ainsi que des activités sportives et culturelles que je n’aurai imaginé. Soudain j’avais un grand réseau de personnes, beaucoup sont devenues des amis, qui étaient là pour que je puisse continuer à vivre normalement et avoir du plaisir dans ma vie! Avec les années j’ai toujours voulu remercier tout ce monde pour m’avoir donné une nouvelle vie et une nouvelle ‘famille’.  

Depuis 1990 la société où je travaillais louait une villa indépendante à Cointrin sur l’avenue Louis-Casaï. En 2012 tous mes collègues avaient pris la retraite et j’étais le seul encore debout et le président de la société. Alors, au lieu de résilier le bail j’ai décidé de le renouveler et d’offrir les deux étages de cette villa aux activités liées aux personnes handicapées de la vue. Le premier à s’y installer était l’atelier de la FSA d’arts créatifs de Meyrin, qui jusque-là était situé dans un sous-sol à Meyrin. Dès que l’animatrice, Sandrine Vagnetti, a vu ce nouveau lieu elle en est tombée amoureuse et l’a surnommé la Maison du Bonheur…un nom qui est resté!

Petit à petit d’autres activités se sont établies dans cette maison. La FSA a commencé à y offrir divers cours, comme le tango et mouvoir sans voir. D’autres personnes l’ont suivi avec une variété d’activités telles que le yoga, la sculpture, le Shiatsu et le massage.

En décembre 2018 la régie nous a informé que les propriétaires de la villa l’avaient vendu à des développeurs et qu’on devrait quitter la maison trois mois plus tard! On la évacuée début mars et en avril elle fut détruite pour faire place à un immeuble de sept étages! On a pu installer certaines des activités chez moi pour ne pas les interrompre et la recherche des nouveaux locaux a commencé!

Malgré tant de locaux vides à Genève, ce n’était pas facile de trouver quelque chose qui nous convenait. On a des contraintes assez uniques relatives à nos participants: il faut d’abord l’accessibilité facile par les transports publics, un accès simple avec des trottoirs sans trop d’obstacles, des locaux aux rez-de-chaussée si possible, pas de marches ni d’escaliers etc! Après presque cinq mois on a enfin trouvé notre paradis, un oasis presqu’au centre ville. De nouveaux locaux au 12 rue de Lyon!

Comme ces derniers étaient trop grand pour nous, on a décidé de les partager avec un ami, Augustin Lobognon,  qui cherchait aussi un endroit pour donner des cours de langues et de coaching. Alors on est en partenariat avec lui et l’IFREP (Institut de Formation pour la Réinsertion Professionnelle), qui est soutenu par l’AI et d’autres services de l’état.  

La Maison du Bonheur est maintenant soutenue financièrement et moralement par l’ABA et la FSA, ainsi que l’Ecole de la Pomme (qui nous aide dans l’utilisation des smart phones etc.), et AYIN Association (qui favorise l’accès à la culture aux personnes avec des handicaps).    

On espère vivement que cette maison continuera à étendre sa gamme d’activités et se développera comme un lieu social et culturel, où les gens vont trouver beaucoup de plaisir. D’ailleurs, notre logo est assez parlant, car il montre une maison avec des ballons de couleurs en forme de cœurs qui sortent de la cheminée, on voit à travers la fenêtre des gens qui s’amusent à l’intérieur, et à l’extérieur, devant la porte d’entrée on voit une canne blanche placée contre le mur pour indiquer qu’on laisse le handicap dehors quand on entre dans cette maison.

Gowri Sundaram

Genève, décembre 2019″